Lénalidomide : Une nouvelle alternative thérapeutique dans la prise en charge des angiodysplasies digestives - 28/11/18
Résumé |
Introduction |
Les angiodysplasies (AD) sont une cause non négligeable de saignement digestif dont la prévalence augmente avec l’âge. Le traitement repose en première intention sur les gestes d’hémostase réalisés durant une endoscopie mais les récidives sont fréquentes. S’il n’y a pas encore de recommandations précises, des approches pharmacologiques se développent en seconde ligne parmi lesquelles les traitements anti-angiogéniques.
Observation |
Nous rapportons le cas d’une patiente de 90 ans suivie depuis 2012 pour des AD digestives nécessitant des transfusions (36 culots globulaires [CGR] au total) et des perfusions de fer itératives (10g de fer intraveineux [IV] en 2017) et ce malgré des thermocoagulations au plasma argon répétées en endoscopie (duodénale×8, cæcale×2). Elle avait pour antécédent une insuffisance rénale modérée et ne prenait pas de traitement antiagrégant ou anticoagulant. En 2016 la prescription d’acide tranéxamique et de sandostatine avait permis d’espacer les épisodes transfusionnels. En 2017, un bilan complémentaire était réalisé suite à la découverte d’un TCA allongé (normal auparavant) conduisant au diagnostic de maladie de Willebrand acquise, motivant l’administration de facteur Willebrand humain. Le bilan étiologique ne retrouvait pas de syndrome lymphoprolifératif associé, uniquement un rétrécissement aortique non serré. En 2018, la recrudescence de méléna, avec une augmentation des besoins transfusionnels à 4 CGR par mois, motivait la prescription de lénalidomide à la posologie de 5 puis 10mg/jour permettant de réduire les besoins transfusionnels de 50 % (seulement 3 mois de recul). En raison d’une baisse des polynucléaires neutrophiles et des plaquettes nous n’avons pas pu augmenter à la posologie de 15mg.
Discussion Cette observation illustre la difficulté de prise en charge des AD avec hémorragie digestive récurrente malgré un traitement endoscopique adapté.
Il a été démontré que les patients porteurs d’AD ainsi que les sujets âgés ont un taux supérieur de vascular endothelial growth factor (VEGF). En effet, le vieillissement provoque des modifications veineuses et capillaires responsables d’une hypoxie chronique, induisant une augmentation du taux de VEGF sérique [1 ].
Le déficit acquis en facteur Willebrand joue également un rôle en stimulant l’angiogenèse via des voies intra- et extracellulaires impliquant l’integrine αvβ3 et Ang-2 stimulant VEGFR-2 [2 ]. Il semble donc pertinent d’utiliser des traitements diminuant l’angiogénèse dépendante du VEGF. Le lénalidomide est un dérivé synthétique du thalidomide, indiqué dans le traitement du myélome multiple osseux et dans l’anémie avec dépendance transfusionnelle due à un syndrome myélodysplasique. Ses propriétés anti-angiogéniques reposent sur l’inhibition du facteur de transcription NF-kB (augmentation de l’apoptose), sur la diminution du VEGF sanguin et sur l’inhibition de la migration des cellules endothéliales [1 ]. Pour les 5 patients atteints d’AD rapportés par Khatri et al., il permet de réduire le nombre d’endoscopies (0,25 versus 5,5 après et avant traitement p=0,001), de culots globulaires consommés (pas de transfusion pour 3/5 patients) ainsi que le risque de morbimortalité lié aux transfusions [3 ]. Cela est d’autant plus intéressant chez le sujet âgé fragile. Toutefois ce traitement n’est pas dénué d’effets secondaires bien que moindres comparativement au thalidomide, raison de notre choix de molécule (myélotoxicité, risque thrombotique, cancers secondaires). Une administration intermittente pourrait améliorer la tolérance par exemple : 3 semaines on–1 semaine off ou 2 semaines on–2 semaines off [3 ].
Conclusion |
Le lénalidomide est une alternative attrayante dans le traitement des AD, en particulier chez le sujet âgé fragile en permettant d’éviter le recours aux transfusions sanguines et hospitalisations itératives. Son efficacité et sa tolérance restent cependant à déterminer au cours d’études complémentaires pour en déterminer sa place exacte dans la stratégie thérapeutique des AD.
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Vol 39 - N° S2
P. A189-A190 - décembre 2018 Retour au numéroBienvenue sur EM-consulte, la référence des professionnels de santé.
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